vendredi

Chaud entre ton Sud

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Je me souviens de toi. 
Surtout le premier coup de coeur, la première fois que je t'ai vu.
Je vivais chez des amis et te voilà qui passe.
Simplement, comme un coup de vent.

Mais ce vent s'assoit, se pose un peu dans l'alcôve qui fait salon. Et ne dit pas trop. Il est timide, doux.
Très très doux je trouve.

Il n'est pas très grand mais son corps parle quand il bouge. Quand il est debout tu te sens en sécurité à côté, devant, autour. Il laisse place. Comme un entourage avec des prés et des petites barrières en bois qui s'ouvrent.

Tu es passé dans cette salle, tu t'es assis. J'étais assise sans doute pas loin. Puis tu t'es levé et tu es repassé, traversant la salle puis reparti vers le couloir où le vieux parquet craquait.
Je crois que je suis restée là immobile, dans cette salle. Déroutée.
Quelque chose était entré dans mon coeur.

Une facette de toi, que tu ne voulais pas montrer peut être. 
On m'a dit " Il est militaire" et tout de suite j'ai su que quelque chose clochait.

Toi ? Des armes aux poings ? Toi se battant ? Toi en mâle agressif ? Bien sûr, je n'y connaissais rien et j'étais pleine d'à priori négatifs et stupides.

Dans ma tête j'ai pensé " Dans cet homme il y a quelque chose de caché, de merveilleux et de tendre, qui ne demande qu'à venir à moi, que je veux trouver, chercher, aimer et lui rendre"

A partir de là je t'ai aimé. J'ai voulu t'aimer. Et ta présence chaude me manquait dès que tu n'étais plus à portée de ma vue.

Tu as résisté. Tu as joué. Tu as pris mon corps mais tu ne voulais pas te livrer. C'était la première fois que cela t'arrivait. Une fille comme moi qui te voulait autrement. Tu t'es caché. Tu t'es parfois éloigné.

J'ai beaucoup pleuré quand tu ne venais pas là où je t'attendais. Mon chagrin était têtu, capricieux. Je voulais que tu m'aimes et que tu le dises et tu te taisais.

Je me suis rendue aux évidences, à ton silence.
J'ai perdu mon père. J'ai déménagé. Et le hasard a fait que toi aussi tu as bougé. Malgré toi. 
Le boulot t'emmenait très loin de ton beau Sud.

Alors tu as écrit. C'est par l'écriture que tu as voulu me retrouver. On s'est écrit. Et tout s'est enflammé.
On s'est enflammés. 
Un jour au téléphone tu me l'as dit. TOUT ce que je voulais entendre depuis une année. Une année seule à t'aimer seule et maintenant je t'avais retrouvé.

Tu t'es avoué. Je me souviens, j'étais assise sur la moquette dans l'entrée. Et tu te livrais. J'étais si heureuse. C'était un tel cadeau.

Nous avons foncé l'un vers l'autre. Et très vite je t'ai rejoint dans cette ville de l'Est si grise.
Mais nous, on s'en fichait.
Et je t'ai et tu m'as travaillé au corps et notre matelas par terre se réjouissait. De ces corps à corps pourtant encore timides finalement, nous faisions notre amour. C'était une vraie vie belle de jeunes amants qui n'ont pas encore trente ans.

Au fil de moi et de toi, tu as décidé de tout quitter de ces uniformes qui te tatouaient depuis tes 15 ans. Tu avais beaucoup appris, tu avais aimé l'Afrique mais pas les parachutes. Tes amis étaient morts au Liban. Tu avais beaucoup souffert, et adolescent , trop essuyé tes larmes loin des tiens.

Comme des inconscients donc, nous sommes encore repartis. Chemin inverse, retour au Sud. 
Rien dans les mains, ni sous ni travail. 
Mais NOUS.
Amoureux au creux d'une vie qu'on pensait dominer, bien sûr.

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