jeudi

L'ami parti


Rêvé de toi, ami disparu.
Nous étions devant un miroir de salle de bains et nous regardions nos yeux.
Tu me montrais que toi aussi tu en as un moins vaillant que l'autre.
Un oeil pour nous deux ?
Mais toi tu as les yeux verts.

Toi qui as tout vu. L'un et l'autre.
M'as dit, as pensé aussi sans rien dire, ensuite.
Toi qui fus là quand je l'ai rencontré.
Toi qui connu trois de mes hommes chéris.
Surtout deux.

Un que tu as récupéré en pleurs chez toi. Et tu l'aurais bien mis dans ton lit aussi.
Tu as aimé lui donné refuge un temps.
Pendant que je démarrais une autre vie loin de ce bel homme là.

Tu as vu l'autre, ensuite. Sa si belle écriture sur des fax.
Tu as aimé au début. Tu m'as dit " Vas..."
Par la suite tu l'as moins aimé
Mais on ne s'est pas revus alors tu n'as rien dit.
De toutes façons...tu me connais, en amour je suis têtue.

Tu es mort à l'hôpital de Toulon au moment où j'embarquais à Marseille.
Deux traversées.
Arrivée sur l'île, j'ai su.

Tu me connaissais si bien.
Tu traversais au delà des apparences.
Tu perçais les secrets sans qu'on te les dise
C'est que tu en avais aussi des paquets.

C'est le Sida qui t'a pris.
On l'a su tous les deux sept ans avant, on a eu l'intuition.
Tu lisais un article sur le Monde, nous étions chez nous, en Thaïlande.
Et un journaliste venait d'en mourir à Paris. Vous aviez des amis communs...alors tu t'es douté que..

Tu es remonté dans la voiture, bouleversé. Je t'ai regardé. Je n'ai rien dit sauf avec les yeux et toi aussi.

Il y a quelques années j'ai pensé que tu étais mon chat. Quelque chose dans sa bienveillance et aussi un peu de remontrances quand je déconne et ne suis pas assez concentrée, trop dispersée.

Tu as vu la mort.
Tu as laissé passer.
Sur ton lit d'hôpital, tu avais peur m'a dit une collègue venue te masser.
C'était le moment.
C'était trop tôt, beaucoup trop.
A quoi as tu pensé ?

Ton amie est allée verser tes cendres en pays kanak, ton pays, comme tu voulais.
Ce pays que tu aimais mais où tu ne mettais plus les pieds car la terrible connerie et pesanteur caldoche, le rejet total de ta famille, les souvenirs cuisants d'une adolescence en marge.

Christian Richard.
Deux prénoms pour un seul homme.

Es tu mon chat ?
Je crois que tu es un peu reparti ailleurs maintenant.
Tu as tous les droits. Tu es toujours avec moi, alors
Navigue...


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